Agathe ROGER

Grands-parents: les droits et devoirs

Publié le : 31/03/2016 31 mars mars 03 2016

I.Les effets du lien d’ascendance des grands-parents « en temps normal »

  1. Le droit de visite et d’hébergement des grands-parents
  2. Principe : le droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec les grands-parents
  3. La limite : l’intérêt supérieur de l’enfant
  4. La procédure pour organiser un droit de visite et d’hébergement
  5. L’empêchement à mariage de l’article 161 du code civil
  6. Le principe : l’empêchement à mariage par l’effet de l’alliance
  7. L’avenir de la prohibition : la validité du mariage entre un beau-père et sa belle-fille

II.Les droits et les devoirs des grands-parents en cas de péril de l’enfant mineur

  1. L’obligation d’aliments entre grands-parents et petits-enfants
  2. Conditions de la naissance de l’obligation
  3. Effets de l’obligation d’aliments
  4. Décharge partielle ou totale du débiteur de son obligation
  5. Relations entre les grands-parents et les petits-enfants dans le cadre de la tutelle de mineurs et de la protection de majeurs

III.L’adoption des petits-enfants par les grands-parents

  1. Adoption par les grands-parents
  2. Adoption par les grands-parents en cas d’accouchement sous le secret ?
 


I.Les effets du lien d’ascendance des grands-parents « en temps normal »

I. Le droit de visite et d’hébergement des grands-parents

Le droit de visite et d’hébergement des grands-parents est toujours déterminé par référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il s’agisse d’accorder, de limiter ou de retirer ce droit.  Il découle du droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec les ascendants. Autrefois un droit des grands-parents (sous l’empire de la loi du 4 juin 1970), c’est, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, un droit de l’enfant. Seul l’intérêt de l’enfant doit être pris en considération pour faire obstacle à l’exercice du droit d’un enfant à entretenir des relations personnelles avec ses ascendants (Civ 1ère, 14 janvier 2009, pourvoi n° 08-11.035).

A. Principe : le droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec les grands-parents

1. La présomption d’intérêt pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec les grands-parents
Selon l’article 371-4 du code civil, tel qu’il résulte de la loi du 4 mars 2002, « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit ».

Ainsi est posé le droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents. A cet égard, la Cour de cassation a établi une présomption d’intérêt pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents, présomption induite par l’article 371-4 du code civil, sauf s’il existe des motifs graves de nature à y faire obstacle (Civ. 1ère, 1er décembre 1982, pourvoi n° 81-14.627).

Il faut préciser qu’un droit de visite et d’hébergement peut être accordé même si l’enfant refuse de voir ses grands-parents. Un droit de visite dont l’exécution reste subordonnée au bon vouloir des enfants n’est pas admissible. En effet, le refus de l’enfant pourrait être le résultat d’une manipulation des parents ou de l’un d’eux, illustrée le plus souvent par ce que l’on appelle l’aliénation parentale, c’est-à-dire l’éloignement d’un enfant d’un de ses parents (ou, ici, grands-parents). Si le refus de l’enfant peut être pris en compte, il n’est pas déterminant pour apprécier son intérêt (CA Aix-en-Provence, 12 mai 1995 : JurisData n° 053553 : les enfants ont pu refuser de voir leurs grands-parents, qu’ils n’avaient pas vus depuis neuf ans, et avec lesquels leur père avait rompu toute relation depuis longtemps).
2. L’autonomie du droit de visite et d’hébergement des grands-parents
Le droit de visite et d’hébergement est la traduction du droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants.

Le droit de visite se distingue du droit d’hébergement. Le droit de visite est le droit de voir l’enfant pendant la journée, que ce soit chez les parents, chez les grands-parents ou dans un endroit médiatisé lorsque la famille est en conflit, sur ordonnance du juge des enfants. C’est le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants qui décide du lieu où s’exercera le droit de visite des grands-parents. Le droit de visite est donc plus ou moins autonome. Voici quelques illustrations récentes de l’autonomie du droit de visite :
  • CA Limoges, 28 octobre 2013 (N° de RG: 13/00060) : le droit de visite accordé était autonome car la grand-mère bénéficiait d’un droit de visite des enfants chez elle pendant une certaine durée la journée le week-end.
  • CA Paris, 24ème chambre, 3 juillet 2003 : « Considérant qu’eu égard à l’âge de Mme G. R. (74 ans), à la charge que représentent des enfants aussi petits, il y a lieu de prévoir à son profit, sauf meilleur accord entre les parties, un droit de visite à la journée qui sera situé, sauf autres arrangements entre les parties, le premier dimanche de chaque mois, hors vacances scolaires, de 10 heures à 18 heures, à charge pour Mme G. R. d’aller chercher et de ramener les enfants au domicile de leurs parents».

Le droit d’hébergement est, quant à lui, le droit de recevoir l’enfant pendant la nuit. Pour un exemple récent du droit d’hébergement accordé aux grands-parents :
  • CA Toulouse, 7 décembre 2012 (N° de RG: 12/00073) : « Sarah manifestant un attachement particulier à ses grands-parents paternels le Juge [de première instance] a à sa demande par une décision du 22 mars 2011 accordé à Mme Pierrette Y… un droit d’hébergement à hauteur d’un week-end sur deux et de moitié des vacances scolaires ». Et la cour d’appel confirme le jugement dans toutes ses dispositions. Il faut noter ici que le droit de visite et d’hébergement accordé est équivalent à celui accordé au parent chez lequel ne réside pas l’enfant de façon habituelle en cas de divorce. Peut-être faut-il y voir une application stricte du droit de visite et d’hébergement. Mais alors, le parent et les grands-parents (qui, rappelons-le, ne bénéficient pas du droit de visite et d’hébergement en vertu du même texte que les parents) auraient une place égale dans l’éducation de l’enfant ? Cette idée doit immédiatement être rejetée car elle conduirait, in fine, à décider qu’il faut un conseil de famille pour élever chaque enfant.

B. La limite : l’intérêt supérieur de l’enfant

1. La limitation du droit de visite et d’hébergement des grands-parents
a. Le droit de visite « médiatisé »
La règle en matière de droit de visite semble plutôt être que ce droit est autonome mais cette autonomie peut être atténuée si l’intérêt de l’enfant le commande. Le droit de visite peut ainsi être médiatisé, c’est-à-dire qu’il s’exercera dans un lieu neutre entouré de conseillers sociaux. Le droit de visite médiatisé permet aux enfants dont la famille est en conflit de tout de même entretenir des relations avec leurs ascendants.
  • CA Rennes, 14 juin 2013 (N° de RG: 13/00033E) : le droit de visite de la grand-mère a été fixé dans un lieu neutre par ordonnance du juge des enfants.
  • TGI Nantes, 16 avril 2013 : le droit de visite accordé au grand-père est un droit de visite médiatisé.
b. Un droit de visite « simple » ?
Un jugement du TGI d’Ajaccio du 8 novembre 2010 a octroyé à un père un droit de visite dit « simple », au domicile de la mère, une fois par mois, en raison de la personnalité du père. En l’espèce, le père contestait sa paternité à l’égard de l’enfant et se disait n’être pas prêt à entretenir des relations régulières avec son enfant.

Une telle décision d’octroyer un droit de visite simple qui aurait lieu au domicile des parents pourrait s’appliquer également aux grands-parents si les circonstances particulières de l’espèce le justifiaient.

2. L’exclusion du droit de visite et d’hébergement : la vérification de l’intérêt de l’enfant par les juges du fond
a. Le refus du droit de visite fondé sur l’existence d’un conflit entre les grands-parents et les parents
En principe, le seul conflit entre les parents et les grands-parents ne saurait faire obstacle à l’intérêt de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents, dès lors que les relations qu’il entretiendrait avec ses grands-parents pourraient rester sereines.

à Il ressort d’un arrêt de la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 15 janvier 2013, n° 11/05253, JurisData n° 2013-000384) que les juges du fond vérifient l’intérêt de l’enfant avant d’octroyer le droit de visite et d’hébergement aux grands-parents.

Dans cet arrêt, les juges du fond ont écarté la présomption d’intérêt établie par la jurisprudence de la Cour de cassation et qui était invoquée en l’espèce par le requérant en énonçant que : « [l’article 371-4 du code civil] contrairement au moyen soulevé, ne présume pas que l’intérêt de l’enfant serait de rencontrer leurs grands-parents, se limitant à dire que le droit pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants peut être écarté, si tel n’est pas l’intérêt de cet enfant, seul ce dernier critère devant être retenu pour trancher le litige
».

En l’espèce, la cour d’appel sanctionne grand-père pour ne pas avoir rapporté la preuve des liens qu’il aurait tissés avec son petit-fils et qui auraient été de nature à caractériser l’intérêt de l’enfant d’entretenir des relations avec lui. La cour d’appel prend également en compte l’existence d’un conflit entre le grand-père et le père de l’enfant pour en déduire que l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement au grand-père aurait des répercussions psychologiques sur le père de l’enfant et, à plus forte raison, sur la cellule familiale et donc l’intérêt de l’enfant.

En l’état de ces constatations, la cour d’appel en déduit qu’ : « il n’apparait pas de l’intérêt des enfants alors que leur père apparait, à la lecture des différentes attestations, avoir retrouvé une certaine stabilité, de venir bousculer la cellule familiale ainsi reconstruite, en réintroduisant la présence du grand-père paternel, susceptible de mettre en péril l’équilibre ainsi construit ».

àLe droit de visite et d’hébergement est également refusé lorsque l’enfant se trouve pris dans un conflit de loyauté, ce qu’approuve la Cour de cassation (Civ. 1ère, 28 février 2006, pourvoi n° 05-14.484). En l’espèce, un grand-père faisait grief aux juges du fond de lui avoir refusé un droit de visite et d’hébergement de sa petite fille. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif qu’il existait un conflit aigu et persistant entre le grand-père et sa fille, celui-ci n’hésitant pas à critiquer et à discréditer de façon virulente l’éducation de sa petite-fille, ce qui était de nature à rejaillir sur l’équilibre de l’enfant.

à Le droit de visite a été écarté au motif que la grand-mère avait publiquement dénigré la mère lors des funérailles du père (CA Orléans, 8 août 2006, JurisData N° 2006-330248).

à CA Paris, 19 décembre 2001 : la mère entretenait des relations conflictuelles avec la grand-mère de l’enfant. Cette dernière, ne voyant que rarement sa petite fille, demande l’octroi d’un droit de visite. C’est en raison du comportement de celle-ci (propos diffamatoires à l’encontre de sa fille et comportement destructeur à l’égard de la petite-fille) que les juges lui ont refusé un droit de visite et d’hébergement.
b. Le refus du droit de visite fondé sur le mode de vie des grands-parents
CA Poitiers, 7 février 2006 JurisData N° 2006-301153 : la cour d’appel refuse le droit de visite aux grands-parents qui travaillent dans le domaine de la pornographie.

De même, le droit de visite a été refusé à une grand-mère dont tous les enfants avaient en leur temps fait l’objet de mesures d’assistance éducative (CA Agen, 29 juin 2005, JurisData N° 2005-282369).
c. Le refus du droit de visite fondé sur l’absence de relations entre l’enfant et les grands-parents
C’est cette absence de relations entre l’enfant et son grand-père qui a fondé une partie de la décision rendue par les juges d’appel en 2003 (CA Lyon, 15 janvier 2013 précité).

Les grands-parents ne peuvent pas, après des années d’absence de relation avec leur petit-fils ou leur petite-fille, prétendre à un droit de visite et d’hébergement. Les juges considèrent en général qu’il leur appartenait de tisser des relations avec leurs petits-enfants dès leur plus jeune âge.

Se pose alors la question de l’entrave des relations entre les grands-parents et les petits-enfants par les parents. Dans ce cas, il y a tout lieu de penser que les grands-parents devraient, pour démontrer qu’ils ne se désintéressent pas de l’enfant, saisir le Juge aux Affaires Familiales et demander un droit de visite. Cependant, la judiciarisation des mésententes familiales ne semble pas être une solution adaptée, même si elle reste, en droit positif, la seule alternative. En effet, même la médiation familiale, en cas de désaccord ou de mauvaise volonté des parties, ne peut qu’être proposée par le juge.
d. Le refus du droit de visite fondé sur l’homosexualité des grands-parents ?
Dans un arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 mai 1996, il a été jugé que « l’homosexualité du père et sa vie en concubinage justifi[ait] la suppression du droit d’hébergement et la limitation du droit de visite ».

Dans le même esprit, la cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 6 janvier 1999, a jugé que « l’homosexualité du père, qui vit en concubinage avec son ami, s’oppose à ce qu’il bénéficie d’un droit d’hébergement ».

Il faut toutefois nuancer le propos car dans certains cas, les juges ont considéré que la relation homosexuelle à laquelle se retrouvait confronté l’enfant au sein de cette nouvelle cellule familiale n’était pas forcément néfaste au développement de ce dernier (voir en ce sens l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 25 avril 1991 : « l’enfant étant heureuse et épanouie avec son père, homosexuel et vivant en couple stable, les juges du fond confient l’enfant à son père »).

C. La procédure pour organiser un droit de visite et d’hébergement

a. Le référé
En vertu de l’article 371-4 du code civil, les grands parents, et plus généralement les ascendants, peuvent saisir le juge d’une action en référé pour obtenir dans l’urgence l’organisation d’un droit de visite et d’hébergement sur leurs descendants. Cette faculté a été expressément reconnue par un arrêt de la cour de cassation de 1983 (Cass. civ. 1ère,  1er février 1983) et n’a jamais été démentie. Il convient de saisir le Président du tribunal de grande instance, le juge aux affaires familiales n’étant pas compétent pour cette procédure de référé. Il est aussi possible dans le même temps d’assigner au fond devant le juge aux affaires familiales pour organiser de manière plus pérenne ce droit de visite et d’hébergement. Le référé a toutefois une utilité dans la mesure où la procédure au fond est longue. Le référé peut éviter une rupture du lien, toujours préjudiciable. Dans ce type de procédure, le juge, dans l’attente de la procédure au fond, aura tendance à ordonner des mesures à minima.
b. L’assignation au fond
Les grands parents ne peuvent saisir le juge aux Affaires Familiales par voie de requête ; le juge doit être saisi par voie d’assignation délivrée par huissier et la représentation par avocat est obligatoire.

Par ailleurs, l’article 1180 du code de procédure civile exige que le ministère public ait communication des demandes formées en application de l’article 371-4 du Code Civil.

L’enfant capable de discernement doit être mis en mesure d’être entendu.

Enfin, dans la majorité des cas conflictuels, le juge ne prendra pas de décision sans mesures d’investigation.

Il ne faut donc pas s’attendre à une décision rapide.

 

II. L’empêchement à mariage de l’article 161 du code civil

A titre liminaire, il convient de rappeler que le droit au mariage est consacré par l’article 12 de la CESDH ainsi que par l’article 143 du code civil. Toutefois, pour des raisons sociologiques tenant à l’équilibre de la famille et à l’entente familiale, le législateur a posé certains empêchements à mariage entre des personnes du fait de leur lien de parenté ou du fait de l’alliance. C’est cette dernière hypothèse qui intéressera notre étude. Le principe (A), posé par l’article 161 du code civil, semble en déclin depuis un tout récent arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 décembre 2013 (B).

A. Le principe : l’empêchement à mariage par l’effet de l’alliance

Le principe est posé par l’article 161 du code civil : le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants en ligne directe et entre les alliés dans la même ligne.
1. Existence de l’alliance
Pour que les empêchements à mariage soient effectifs, il faut qu’il existe un lien d’alliance entre deux personnes. Le problème qui se pose est de savoir si le PACS ou encore le concubinage font naître un lien d’alliance tel que les empêchements à mariage pourraient aussi être reconnus concernant les personnes pacsées ou vivant en concubinage.

Il est difficile de poser un principe absolu dans le silence des textes. Il a été jugé par le passé qu’un enfant pouvait épouser le concubin de son parent (CA Chambéry, 7 février 1885 ; T. Civ. de la Seine, 21 juin 1907). La situation n’a pas été clarifiée par l’entrée en vigueur de la loi du 15 novembre 1999 officialisant le concubinage et instaurant le PACS. Il semble donc que cette jurisprudence soit toujours d’actualité et que ni le PACS ni le concubinage ne soient  concernés par les empêchements à mariage, en l’absence d’alliance.
2. Effets de l’alliance
En vertu de l’article 161 du code civil, le mariage est prohibé entre chacun des époux et tous les ascendants et descendants de l’autre, à quelque degré qu’ils soient et sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’ascendance ou la descendance est légitime ou naturelle.

En appliquant strictement le texte, on en déduit que le mariage entre l’ex beau-père et sa bru ou entre l’ex belle-mère et son gendre serait prohibé.

De même, le mariage entre l’ex beau-père et sa belle-fille ou entre l’ex belle-mère et son beau-fils peu important que le descendant soit issu d’un premier lit, est prohibé (T. Civ. Vienne, 28 décembre 1865, sur la prohibition du mariage entre un homme et la fille d’une fille qu’avait eue son ex-épouse d’un précédent mariage). Il en va de même si l’enfant est naturel (un ex-mari ne peut épouser la fille naturelle de son ancienne femme : T. Civ de la Seine, 7 février 1850 ; CA Paris, 18 mars 1850).

De nouvelles prohibitions se sont ajoutées depuis  l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. En application de ce texte, devraient être prohibées, en cas de mariage homosexuel, l’union d’un ex beau-père avec son gendre ou son beau-fils ainsi que l’union d’une ex belle-mère avec sa bru ou sa belle-fille.

[ Le cas particulier de l’alliance adoptive

En ce qui concerne l’empêchement à mariage par l’effet de l’alliance adoptive, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une adoption simple ou d’une adoption plénière.

Au sein de la famille adoptive :
  • L’adoption simple interdit le mariage, en ligne directe, entre l’adoptant d’une part et l’adopté ou l’un des descendants d’autre part mais également entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant et réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté. En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre les enfants adoptifs d’une même personne, ainsi qu’entre l’adopté et les enfants par le sang de l’adoptant (article 336).
  • L’adoption plénière crée des empêchements plus étendus que l’adoption simple. Bien que les textes ne le précisent pas, il faut en effet, compte tenu de l’esprit général de l’institution, appliquer ici les interdits de la famille par le sang (article 358 du code civil).

Au sein de la famille d’origine :
  • En cas d’adoption simple : À l’égard de la famille d’origine, l’adoption laisse subsister les prohibitions habituelles. En cas d’adoption simple, la solution se justifie aisément puisque l’adopté reste dans sa famille d’origine. L’article 364, alinéa 2, du code civil prévoit en conséquence que les prohibitions des articles 161 à 164 doivent survivre entre l’adopté et sa famille d’origine.
  • En cas d’adoption plénière : l’article 356 du code civil laisse survivre aussi les empêchements à mariage entre l’adopté et sa famille d’origine dans le cas d’adoption plénière, en dépit du principe d’acquisition, dans cette hypothèse, d’une filiation nouvelle principe qui reçoit, il est vrai, quelques atténuations, spécialement en cas d’adoption de l’enfant du conjoint (article 356 alinéa 2 du code civil) qui laisse subsister la filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille.]

B. L’avenir de la prohibition : la validité du mariage entre un beau-père et sa belle-fille

La Cour de cassation a tout récemment reconnu la validité du mariage entre un beau-père et sa belle-fille dans un arrêt de la première chambre civile du 4 décembre 2013( pourvoi n° 12-26. 066).

C’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette question. Le mariage entre un beau-père et sa bru est a priori prohibé par les articles 161 et 164 combinés du code civil qui interdisent, en ligne directe, le mariage entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne.

La Cour de cassation a toutefois validé une telle union, reprenant la jurisprudence de la CEDH qui avait déjà eu à connaître de la question dans un arrêt du 13 septembre 2005, « B. et L. c. Royaume-Uni ». Dans cet arrêt, la cour a jugé que la législation anglaise relative à l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa belle-fille, bien qu’elle poursuive un but légitime de protection de l’intégrité de la famille, constituait une atteinte excessive au droit au mariage et violait ainsi l’article 12 de la CESDH.

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation le 4 décembre 2013 méritent d’être rappelés. En l’espèce, la femme avait divorcé de son ex-mari en 1980 et s’était remariée en 1983 avec le père de ce dernier. Après vingt-deux années de mariage et sans naissance issue ni de la précédente, ni de cette nouvelle union, le second mari décède, en 2005. Sur fond d’héritage, son fils, en 2006, assigne en justice son ex-femme devenue sa belle-mère en annulation du second mariage, nullité que prononcèrent aussi bien les juges de premier degré que la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Saisie sur pourvoi formé par la femme, la Cour de cassation vient de se prononcer sur cette question de l’atteinte au droit au mariage. Dans un arrêt de cassation partielle rendu le 4 décembre 2013, elle décide que « le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille, divorcée d’avec son fils, revêt à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans« .

Même si l’arrêt de la Cour de cassation va dans le sens d’une telle solution, il est intéressant de noter qu’il le fait non pas au visa de l’article 12 mais au visa unique de l’article 8 de la CESDH relatif au droit au respect de la vie privée et familiale. Aucun texte interne n’est visé dans l’arrêt alors que le mariage entre un beau-père et sa bru est prohibé par les articles 161 et 164 du code civil. Nous sommes a priori face à une jurisprudence contra legem.

Il est difficile de déceler la véritable motivation de l’arrêt de la Cour de cassation. Deux interprétations peuvent être faites de cet arrêt :
  • Soit on considère que la Cour de cassation a tout simplement repris à son compte la jurisprudence de la CEDH et qu’elle a eu l’intention de proclamer de façon générale la validité de tout mariage entre un beau-père et sa bru. Cette interprétation  parait excessive au regard de la formulation de l’attendu de la Cour.
  • Soit on considère que c’est la durée de l’union entre le beau-père et sa belle-fille qui justifie l’ingérence dans l’exercice du droit à la vie privée, et alors il n’y a pas lieu de généraliser la solution en considérant que tout mariage entre un beau-père et sa belle-fille serait valable. Cette interprétation de l’arrêt semble plus convaincante bien que contestable. Cela signifierait en effet qu’une union contractée en violation de la loi et qui a duré de nombreuses années aurait acquis une telle force qu’il ne serait plus possible, sans violer le droit au respect de la vie privée, de la remettre en cause.

Cette dernière  interprétation a été confirmée par la Cour de cassation elle-même dans un communiqué rendu à propos de cette affaire. Elle y affirme qu’elle n’a aucunement entendu remettre en cause le principe de la prohibition du mariage entre alliés en ligne directe mais que dans ce cas précis, le droit au respect de la vie privée et familiale imposait de ne pas remettre en cause l’union qui avait duré plus de vingt ans.

Cet arrêt est fort contestable dans la mesure où il s’agit clairement d’une jurisprudence contra legem. La loi ne pose pas de délai de prescription, ce qui signifie qu’un mariage contracté en violation de la loi peut toujours être annulé, et cela indépendamment de la durée de l’union. En validant un mariage contracté frauduleusement, la Cour de cassation adopte ce que certains appellent la politique du fait accompli, c’est-à-dire le fait pour elle de céder face à des situations clairement contraires à l’ordre public français. La même problématique se pose concernant les couples d’hommes homosexuels qui contractent à l’étranger des conventions de mères porteuses. Toutefois, et heureusement, la Cour de cassation n’a jamais cédé puisqu’elle a toujours refusé de retranscrire sur les actes d’état civil français l’état civil d’un enfant conçu par le biais d’une mère porteuse.

Cet arrêt pose aussi la problématique de la neutralisation de la loi interne par les normes supranationales. En effet, dans cet arrêt, aucun texte interne n’est visé. Il est évident que si la Cour avait visé l’article relatif à la prohibition, elle n’aurait pas pu rendre cette décision. C’est au visa de l’article 8 de la Convention EDH que l’arrêt a été rendu. Cette neutralisation est problématique parce que la généralité des termes de l’article 8 (« toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) ») permet d’écarter l’application du texte interne, pourtant très important puisque relatif à l’ordre public familial.

Toutefois, il est heureux que la cassation ait été prononcée au visa de l’article 8 de la Convention EDH et non de l’article 12, ce qui aurait eu pour conséquence dramatique de conférer à cet arrêt une portée générale.  Le visa de l’article 8 laisse intacte la prohibition du mariage entre alliés en ligne directe.

Section 2 Les droits et les devoirs des grands-parents en cas de péril de l’enfant mineur

I. L’obligation d’aliments entre grands-parents et petits-enfants

A. Conditions de la naissance de l’obligation

1. Existence d’un lien de filiation
La qualité et la nature du lien de filiation sont indifférentes ; du moment qu’elle est établie, l’obligation existe.

Ainsi, il est décidé par la jurisprudence que la disparition du lien de filiation donne lieu à la restitution des aliments versés pour absence de cause (Cass. 1ère civ., 13 févr. 1985, n° 83-15.112 rendu sur l’obligation d’entretien mais considéré par la doctrine comme transposable à l’obligation alimentaire).

Il convient de distinguer selon que le lien de filiation résulte d’une adoption ou non. En effet, en cas d’adoption plénière, l’obligation d’aliments est la même que dans un rapport de filiation dit « charnel ». En revanche, en cas d’adoption simple :

elle subsiste normalement dans les liens de l’adopté avec sa famille charnelle,
elle est due à l’adoptant (sauf révocation de l’adoption dans les conditions légales),
mais elle n’est pas due aux parents de l’adoptant (grands-parents adoptifs).
La réciproque est vraie concernant les ascendants envers leurs descendants.
2. Etat de « besoin »
En vertu de l’article 205 du code civil, « Les enfants doivent des aliments à leur père et mère ou autres ascendants dans le besoin ». Cette obligation ne doit pas être confondue avec l’obligation d’entretien due par les parents à leurs enfants, posée par l’article 203 du même code. L’obligation alimentaire existe en fonction des facultés respectives des débiteurs et de la situation des créanciers, puisqu’elle n’est due qu’en cas d’état de besoin (ce qui n’est pas le cas de l’obligation d’entretien, qui  prend simplement en compte l’impossibilité pour l’enfant de subvenir à ses besoins le temps de sa minorité, puis de ses études s’il en poursuit).
3. Durée de l’obligation : tant que vivent les parties
L’obligation alimentaire dure tant que vivent les parties. Elle peut s’éteindre puis renaître, voire être alternativement due par une partie à l’autre, puis inversement. A l’inverse, l’obligation d’entretien ne renaît pas indéfiniment.

Il convient ici de signaler que l’obligation alimentaire subsiste après le décès du créancier pour couvrir ses obsèques, indifféremment à la renonciation à la succession de créancier par le débiteur  (Cass. 1ère civ., 14 mai 1992, n° 90-18.967).

B. Effets de l’obligation d’aliments

1. Caractère réciproque
L’article 205 du code civil déjà cité ne prescrit qu’une obligation alimentaire des descendants envers les ascendants. Cependant, on admet la réciproque en considérant que les articles 205 et 207, alinéa 1er doivent être combinés. Cet article dispose que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproque ».
2. Caractère subsidiaire et complémentaire de l’obligation alimentaire entre grands-parents et petits-enfants
La jurisprudence considère que cette obligation est à la fois subsidiaire et complémentaire par rapport à l’obligation d’entretien incombant aux parents (cass. 1ère civ., 14 juin 2000, n° 98-17.806).

En effet, les grands-parents ne sont tenus qu’à défaut pour les parents de pouvoir s’acquitter de cette obligation. Il convient de noter ici que la mesure des « facultés respectives » se trouve dans les facultés des parents, non celles des grands-parents.

Priment sur l’obligation alimentaire (au moins partiellement):

L’obligation d’entretien pesant sur les parents (cass. 1ère, 6 mars 1990, Defrénois 1990, p. 944, sauf insuffisance ; Cass. 1ère civ., 8 janvier 2002, n° 99-18.097).
Les grands-parents disposent donc d’un recours subrogatoire contre les parents fondé sur l’article 1251, alinéa 3 du code civil pour ce qui excède leur part contributive (CA versailles, 29 septembre 1989, D. 1992, p. 68, note Th. Garé ; CA Colmar, 20 janvier 1992 : JurisData n° 1992-041485).

Ainsi, si les parents se sont soustraits à une obligation à laquelle ils pouvaient faire face, les grands-parents disposent d’un recours subrogatoire intégral.

Le devoir de secours des époux (Cass. 1ère, 4 nov. 2010, n° 09-16.839. dans le même sens : CA Caen, 13 janvier 2001, n° 09/02807 : JurisData n° 2011-007343, CA Dijon, 10 févr. 2011, n° 10/01148 : JurisData n° 2011-003730), également celui des partenaires d’un PACS (en vertu de l’article 515-4, alinéa 1er, du code civil).
En ce qui concerne les concubins, il n’y a pas de subsidiarité car il n’existe pas d’obligation, mais il est possible de faire valoir une faute du créancier pour n’être pas tenu (CA Douai, 7° ch. C, 25 févr. 1983, JurisData n° 1983-043580).

En cas d’adoption simple, l’adopté doit d’abord s’adresser à l’adoptant pour obtenir des aliments en vertu de l’article 367 du code civil (cass. 1ère, 14 avril 2010, n° 09-12.456). Viennent ensuite les parents par le sang, les grands-parents dans la famille adoptive n’étant pas tenus des aliments.
3. En présence d’une pluralité de débiteurs
Selon un arrêt de principe (Cass. civ. 2 janv. 1929 : RTD civ. 1929, obs. E. Gaudemet, réaffirmé notamment par Cass. 1ère civ., 25 avril 2007 : Dr. Famille 2007, comm. 147, où il est admis qu’une mère de neuf enfants peut ne solliciter que deux de ceux-ci), le créancier est libre de choisir son ou ses débiteurs. Notons ici qu’il a été jugé que l’existence d’autres descendants non mis en cause n’est pas un motif de dispense du débiteur de son obligation  à l’égard de sa grand-mère (CA paris, 10 juillet 1981, JurisData 1981-029555).

Si plusieurs débiteurs sont appelés, la dette est répartie entre eux selon leurs facultés respectives.

Le solvens dispose d’un recours subrogatoire contres ses coobligés pour les sommes qu’il a payées excédant sa part contributive et compte tenu des facultés respectives des débiteurs (Cass. 1ère civ., 29 mai 1974 : Bull. civ. 1974, I, n° 166).

En revanche, les coobligés n’ont aucun recours contre la succession du créancier s’il était dans le besoin à l’époque des versements (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1967 : D. 1967, jurispr. P. 745, note R. Lindon).
4. Point de vue fiscal sur l’obligation alimentaire
Si les parents sont en mesure de subvenir aux besoins de leur enfant, la pension versée par les grands-parents n’est pas déductible et s’analyse comme une libéralité. Dans le cas contraire, elle est déductible.

Les grands-parents qui choisissent de s’acquitter de leur obligation alimentaire en accueillant l’enfant sous leur toit peuvent compter leur petit-fils à leur charge. Il est alors tenu compte des frais d’entretien au moyen du quotient familial et la pension éventuellement versée par les autres grands-parents est ajoutée au revenu imposable.

C. Décharge partielle ou totale du débiteur de son obligation

1. Jeu de l’article 207, alinéa 2 du code civil
L’article 207 dispose, en son alinéa 2, que « Quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ». Il est à préciser  que les petits-enfants peuvent invoquer des manquements graves de l’ascendant créancier envers eux-même ou leur père et mère pour être déchargés (CA Paris, 2 uillet 1997 : JurisData n° 1997-022637).

Cette disposition du code civil est très souvent invoquée, et avec succès. Elle peut l’être en cas de recours subrogatoire de la collectivité comme si le débiteur l’opposait au créancier.

Elle est utilisée, par un débiteur descendant, lorsque le créancier lui réclame des aliments tandis qu’il s’est auparavant désintéressé de lui. Elle mène à une exonération totale de l’obligation alimentaire en cas de très graves manquements, et à une exonération partielle en cas par exemple  d’insultes ou d’une présence épisodique de l’ascendant créancier dans le vie (souvent l’enfance) du descendant débiteur. En pratique, la décision dépend des circonstances d’espèce.

En ce qui concerne les manquements des descendants créanciers, ils s’agit souvent de manquements graves aux obligations d’honneur et de respect envers leurs ascendants débiteurs. Ainsi, des violences commises par un fils sur ses parents décharge totalement ces derniers de leur obligation alimentaire (Cass. 1ère civ., 18 jan. 2007, n° 06-10.833), et des injures proférées contre les ascendants  entraîne pour eux une décharge partielle de leur obligation (CA Paris, 1ère ch., 25 avril 1988, JurisData n° 1988-022361).

La Cour de cassation reconnait un pouvoir d’appréciation souverain aux juges du fond (par exemple : Cass. 1ère civ., 3 avril 1990, n° 88-18.927). Cependant, la cour de cassation opère un contrôle de la qualification de faute comme elle le fait pour les époux séparés de corps.

A ce stade, il convient de préciser qu’il a été jugé que les parents n’ont pas à assumer au titre de l’obligation alimentaire la carence (volontaire ou par désinvolture) de l’enfant (CA aix-en(Provence, 6° ch., 10 juin 1993 : JurisData n° 1993-051191 pour un enfant qui n’effectue pas de démarche pour se mettre à l’abri du besoin ; CA Nîmes, 10 sept. 2008, JurisData n° 2008-371776 pour un fils inscrit comme demandeur d’emploi depuis deux ans n’ayant effectué aucune démarche et n’ayant pas donné suite à la proposition de son père de l’embaucher dans son entreprise). On peut supposer que la solution est transposable aux autres ascendants.

Il convient également de préciser ici qu’en cas du retrait aux grands-parents de la part d’autorité parentale qu’ils avaient pu avoir, ceux-ci ne peuvent plus se prévaloir de l’obligation alimentaire contre le descendant dont ils ont été déchus de l’autorité parentale. En effet, il est possible de déléguer aux grands-parents une part d’autorité parentale si besoin est. L’autorité parentale n’étant retirée que pour des motifs graves (désintérêt manifeste, maltraitance, etc.), il est alors présumé un comportement justifiant l’application de l’article 207, alinéa 2, du code civil.
2. Enfant confié à un tiers
Un enfant confié à un tiers entraine pour ce tiers une obligation d’entretien et d’éducation envers l’enfant. Souvent, ces tiers sont les grands-parents. Si ce n’est pas le cas, l’article 375-8 du code civil autorise le juge à décharger tous les ascendants des frais d’entretien et d’éducation, supportés alors par l’aide sociale à l’enfance.
3. Enfant soumis à une mesure d’assistance éducative
En vertu des articles 375-8 du code civil et L228-1, alinéa 1er, du Code de l’action sociale et des familles, les frais d’entretien et d’éducation d’un enfant soumis à une mesure d’assistance éducative ou placé par l’Aide sociale à l’enfance incombent aux parents. Il n’y a pas d’exemple en jurisprudence où une contribution est demandée aux grands-parents tant que vivent les parents. En effet, la contribution des grands-parents est subsidiaire par rapport à celle des parents.
4. Enfant admis en qualité de pupille de l’Etat
L’obligation alimentaire de l’enfant est supprimée si celui-ci est admis en qualité de pupille de l’Etat ou pris en charge dans les délais prescrits à l’article L132-6 du code de l’action sociale et des familles[1].
5. L’obligation alimentaire du conjoint envers les parents l’ex-époux même après le divorce ?
elon l’article 206 du code civil, les gendres et brus doivent des aliments à leur beau-père et à leur belle-mère qui sont dans le besoin. Selon l’article suivant, cette obligation est réciproque. Elle s’applique entre les époux ainsi qu’envers les ascendants de leur conjoint, au premier degré seulement (les gendres et belles-filles ne sont pas tenus de fournir des aliments aux grands-parents de leur conjoint : CA Angers, 5 février 1974 ; Lyon, 13 novembre 1952).

Cette obligation existe, que le lien de filiation à l’égard des ascendants soit adoptif ou non. Le choix du régime matrimonial des époux est également indifférent (CA Paris, 8e ch., 18 nov. 1974. – CA Paris, 8e ch., sect. B, 2 mars 1989 : JurisData n° 1989-021233).

Selon un arrêt de 2006 (Civ 1ère, 28 mars 2006, pourvoi n° 04-10.684), seul le mariage engendre le lien d’alliance. Ainsi, il a été jugé qu’il n’existe pas d’obligation alimentaire entre le concubin d’une personne et les parents de celle-ci.

A fortiori, lorsque le lien matrimonial est rompu, l’obligation alimentaire du gendre ou de la belle-fille envers ses beaux-parents ne devrait plus exister.



II. Relations entre les grands-parents et les petits-enfants dans le cadre de la tutelle de mineurs et de la protection de majeurs

En ce qui concerne la tutelle des mineurs, la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 a supprimé la tutelle dative qui privilégiait la désignation des grands-parents. Il est toujours possible que les grands-parents soient tuteurs du mineur, et alors leur revient une « part d’autorité parentale » (article 378 du code civil).

En ce qui concerne la protection des majeurs, le code civil ne prévoit aucun lien particulier entre les grands-parents et leurs petits-enfants, si ce n’est à l’article 430 du code civil, qui dispose qu’un « parent ou allié » peut demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, sans précision de degré de parenté. Il convient de penser que les grands-parents et les petits-enfants sont inclus dans le terme de « parent ». Ensuite, l’article 445 du code civil précise que « les charges curatélaires ou tutélaires sont soumises aux conditions prévues pour les charges tutélaires de mineurs par les articles 395 à 397 ».

Ce renvoi permet d’affirmer que, tant à l’égard de la protection de mineurs que des majeurs, les qualités de grands-parents et de petits-enfants ne sont en réalité prises en compte que pour la désignation du conseil de famille, sans être privilégiées.

 

III. L’adoption des petits-enfants par les grands-parents

A. Adoption par les grands-parents

L’adoption de leurs petits-enfants par les grands-parents est admise dans son principe (Pour un exemple : Cour d’appel de Rennes, 24 janvier 2000 : JurisData n° 2000-110223).

Il faut cependant des circonstances particulières pour que les juges l’admettent. Par exemple, la Cour d’appel de Paris a prononcé l’adoption simple d’un petit-fils par sa grand-mère, non seulement parce que celle-ci l’a élevée après le décès de sa mère, mais aussi parce qu’elle n’a pas d’autre héritier (CA Paris, 25 févr. 1994 : JurisData n° 1994-020237).

De même, l’adoption plénière a été accordée aux grands-parents après l’assassinat de leur fille, la mère de l’enfant, par le père de celui-ci, le risque de confusion entre les grands-parents et la mère n’étant qu’une éventualité, étant donné qu’il était élevé par ses grands-parents (Cour d’appel de Besançon, 1er février 1994, JCP 1995.IV.564).

Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’est refusée l’adoption si celle-ci constitue une fraude à la dévolution successorale (Civ. 1ère, 16 octobre 2001, JurisData n° 2001-011281) ou bien est susceptible de brouiller les repères généalogiques de l’enfant (Civ. 1ère, 6 mars 2013, pourvoi n° 12-17183).

Pour une illustration claire : CA Toulouse, 28 févr. 1996 : JurisData n° 1996-055424 : « quand il a un état civil et une filiation juridiquement déclarée, faire droit à la demande d’adoption de l’enfant par ses grands-parents reviendrait à en faire le frère de son père et la révélation ultérieure de cette situation peut être traumatisante pour lui. Cette adoption constituerait un bouleversement anormal et contraire à l’ordre public et doit être refusée ».

La tendance actuelle est moins catégorique. Entre les liens privilégiés et le respect de la généalogie, la préférence des juges va le plus souvent dans le sens de la consécration des liens, mais la plupart du temps en refusant l’adoption plénière et accordant l’adoption simple (CA Colmar, 9 mai 1997 : JurisData n° 1997-056578, pour créer un lien avec la grand-mère et son conjoint, admet l’adoption simple après avoir rejeté la demande d’adoption plénière. En l’espèce, l’adoption était la seule solution pour faire bénéficier de l’autorité parentale le conjoint de la grand-mère, qui n’aurait pu se la voir déléguer).

B. Adoption par les grands-parents en cas d’accouchement sous le secret ?

Deux affaires récentes laissent planer l’incertitude en la matière, tout en laissant entrevoir des pistes de solution.

La première concernait des grands-parents qui, apprenant que leur fille avait donné naissance sous le secret à un enfant, ensuite placé en vue de son adoption, avaient demandé à intervenir dans la procédure d’adoption, le délai pour s’opposer au placement de l’enfant étant expiré. La Cour d’appel de Paris avait déclaré qu’aucun lien de filiation n’étant établi entre la mère et l’enfant, l’intervention des parents de celle-ci dans la procédure d’adoption était irrecevable (CA Paris, 10 avril 2008, n° 07/11.228). La Cour de cassation a ensuite rejeté le pourvoi interjeté par les grands-parents, considérant qu’en l’absence de filiation légalement établie entre l’enfant et leur fille, les père et mère de celle-ci n’avaient pas qualité pour intervenir volontairement à l’instance en adoption (cass. 1ère civ., 8 juillet 2009, n° 08-20.153).

Dans la seconde affaire, une femme accouche d’un enfant sous le secret et le révèle à ses parents, qui peuvent ainsi s’opposer dans les délais au placement de l’enfant en vue de son adoption. Ils assignent en référé le préfet aux fins d’annulation de l’arrêté d’immatriculation de l’enfant né sous X comme pupille de l’Etat et demandent une expertise sanguine pour prouver leur lien de parenté. Le Tribunal de Grande Instance ordonne l’expertise considérant qu’il y a un motif légitime à conserver une preuve dont l’issue du litige peut dépendre (TGI Angers, ref. , 8 oct. 2009, n° 09/00568). Le 26 avril 2010, le Tribunal juge irrecevable la demande d’annulation de l’arrêté (TGI Angers, 26 avril 2010, n° 10/00171). La Cour d’appel infirme le jugement considérant que « l’intérêt de l’enfant prime (…) sur la faculté pour la mère de conserver l’anonymat et par voie de conséquence son choix de couper l’enfant de sa famille » et confie l’enfant aux grands-parents à charge de requérir l’ouverture d’une tutelle (CA Angers, 26 janv ; 2011, n° 10/01339). Il faut préciser  ici que le conseil de famille, par hypothèse, pourra ensuite consentir à l’adoption par les grands-parents.

Cette dernière affaire laisse penser qu’en suivant le même procédé les grands-parents, qui ont connaissance de l’accouchement sous le secret de leur fille dans les délais d’opposition, pourraient, in fine, se voir confier l’enfant puis l’adopter via le consentement du conseil de famille. Il convient toutefois de relativiser cette décision ; en effet, il n’est pas certain que les juges d’une autre juridiction, voire d’autres juges de la Cour d’appel d’Angers prennent la même décision dans un cas similaire. Un arrêt de la Cour de cassation, si toutefois un pourvoi est formé, ce qui est peu probable au regard des intérêts des parties, serait le bienvenu.

A noter que l’article L224-8 du Code de l’Action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2014, a été déclaré contraire à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012, au motif que « si le législateur a pu choisir de donner qualité pour agir à des personnes dont la liste n’est pas limitativement établie et qui ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification de l’arrêté en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ; que, par suite, les dispositions du premier alinéa de l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles méconnaissent les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ». Cet article a par ailleurs été déclaré contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 9 avril 2013 (n° 11-27.071).

Il en résulte désormais que l’arrêté d’admission d’un enfant en qualité de Pupille de l’État est notifié notamment aux membres de la famille de l’enfant ayant manifesté un intérêt pour celui-ci auprès du service d’aide sociale à l’enfance. Cela devrait permettre aux grands-parents de disposer d’un recours effectif contre le placement de l’enfant né sous le secret.

Gardons toutefois à l’esprit que si les grands-parents ignorent complètement la naissance de l’enfant, ils ne pourront dès lors manifester leur intérêt pour celui-ci auprès de l’aide sociale à l’enfance, et ne seront donc jamais avertis de l’arrêté de placement comme Pupille de l’État.

 

Par Céline BERJAMIN et Agathe ROGER

 

[1] « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais.

« Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d’au moins trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie sont, sous réserve d’une décision contraire du juge aux affaires familiales, dispensés de droit de fournir cette aide.

« Cette dispense s’étend aux descendants des enfants susvisés.

« La proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission. La décision fait également l’objet d’une révision lorsque les débiteurs d’aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu’elle avait prévus. »

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